
Le jointoiement d'un mur en pierre est un art ancestral crucial pour la stabilité, la longévité et l'esthétique de l'ouvrage. Plus qu'un simple assemblage, il assure la cohésion de la structure, la protège des intempéries et lui confère un charme intemporel. Les techniques traditionnelles, forgées par des siècles d'expérience, offrent des performances supérieures aux méthodes modernes, garantissant une durabilité exceptionnelle et un respect total des matériaux. Contrairement aux solutions rapides et souvent moins durables, le jointoiement traditionnel est un investissement à long terme.
Ce guide complet explore les techniques de jointoiement ancestral, détaillant les différents types de joints, les mortiers traditionnels, la mise en œuvre, l'entretien et la restauration. Nous aborderons des aspects techniques précis pour vous permettre de réaliser ou de restaurer un mur en pierre avec expertise et savoir-faire.
Les différents types de joints traditionnels en maçonnerie
Le choix du type de joint dépend de plusieurs facteurs : la nature des pierres (calcaire, granite, schiste...), l'exposition aux intempéries (pluie, vent, gel), l'esthétique recherchée (rustique, soignée...) et la fonction du mur (mur de soutènement, mur de clôture, mur de façade...). La classification se fait selon la forme du joint et le type de mortier utilisé.
Classification des joints selon leur forme
- Joint Plat (à Sec, à Nu) : Technique simple consistant à juxtaposer les pierres sans mortier. Idéal pour le drainage, il offre une faible résistance mécanique. Utilisé pour les murs de soutènement bas ou les constructions rustiques. L'espacement entre les pierres varie généralement entre 2 et 5 mm, dépendant de la régularité des pierres.
- Joint Creux : Ce joint laisse un espace vide (environ 10-15 mm de profondeur) entre les pierres, optimisant le drainage et limitant la rétention d'humidité. Généralement rempli d'un mortier de chaux aérienne perméable à la vapeur d'eau. Particulièrement adapté aux murs exposés aux intempéries. Résistance à la compression accrue par rapport au joint plat.
- Joint Bombé (ou Concave) : Esthétiquement élégant, ce joint améliore la répartition des charges et offre une protection accrue contre les intempéries. Fréquemment utilisé en architecture médiévale et pour les murs de façade. La courbure est réalisée à l'aide d'outils spécifiques (spatules, outils de modelé). Nécessite une plus grande maîtrise technique.
- Joint en Biseau : Compense les irrégularités des pierres, assurant un meilleur emboîtement et une plus grande stabilité du mur. Améliore l'aspect visuel en créant un jeu de lumière et d'ombre.
Classification des joints selon le type de mortier
Le mortier est l'élément essentiel qui assure la cohésion et la durabilité du joint. Les mortiers traditionnels sont privilégiés pour leur compatibilité avec la pierre et leur perméabilité à la vapeur d'eau, évitant ainsi les problèmes d'humidité.
- Mortier de Chaux Aérienne : Composé de chaux aérienne (NHL 2, 3.5 ou 5), de sable de rivière propre (0/4 mm) et d'eau. Perméable à la vapeur d'eau, il laisse respirer le mur, évitant les problèmes d'humidité et de dégradation. Sa résistance à la compression varie de 1 à 5 MPa selon le type de chaux utilisé. La préparation requiert une grande précision. Environ 1 volume de chaux pour 3 volumes de sable est un ratio courant.
- Mortier de Chaux-Chanvre : Excellent compromis entre performance et écologie, il combine les propriétés de la chaux aérienne avec celles du chanvre. Apporte une meilleure isolation thermique (R=1,5 à 2 m².K/W en fonction de l'épaisseur) et acoustique. Plus facile à mettre en œuvre que le mortier de chaux pure. Généralement 20 à 30% de chanvre en volume.
- Mortier de Terre : Solution économique et écologique, ce mortier traditionnel est composé de terre argileuse, de sable et parfois de paille. Sa résistance à l'eau est limitée, son usage est donc restreint aux murs intérieurs ou peu exposés à la pluie.
Techniques de mise en œuvre des joints traditionnels
La réalisation d'un jointoiement traditionnel requiert précision, patience et savoir-faire. Chaque étape est cruciale pour obtenir un résultat à la fois durable et esthétique.
Préparation des pierres pour le jointoiement
Avant toute chose, les pierres doivent être nettoyées en profondeur pour éliminer poussières, terre et autres impuretés. Une humidification préalable est essentielle pour une meilleure adhérence du mortier. Un léger ajustage peut être nécessaire pour certains joints, notamment les joints plats ou les joints en biseau. Le choix de pierres de qualité, exemptes de fissures ou de défauts importants, est primordial pour la solidité du mur. Un contrôle minutieux est nécessaire avant de commencer.
Préparation du mortier traditionnel
La préparation du mortier est une étape délicate. Pour un mortier de chaux aérienne, le mélange doit être homogène et sans grumeaux. Le ratio chaux/sable est crucial. Un dosage incorrect peut compromettre la résistance et la durabilité du joint. La chaux doit être correctement éteinte avant son utilisation pour éviter des réactions exothermiques. Le temps de malaxage est également un facteur important. Pour un mortier de chaux-chanvre, le chanvre doit être bien imprégné de lait de chaux avant d'être incorporé au mélange.
Mise en œuvre du joint : techniques précises
L'application du mortier se fait à l'aide d'outils spécifiques (truelle, spatule, outils de modelé). Pour les joints creux, le mortier est appliqué sur les bords des pierres, laissant l'espace central vide pour le drainage. Pour les joints bombés, le mortier est modelé avec précaution pour obtenir la courbure désirée. L'épaisseur du joint dépend du type de joint et de la taille des pierres (généralement entre 10 et 20 mm). Une maîtrise du geste et une bonne connaissance des techniques sont essentielles. Il faut travailler rapidement pour éviter que le mortier ne prenne avant la fin de l’opération.
Finition du joint : aspects esthétiques et techniques
La finition du joint contribue à l'aspect final du mur. On peut lisser la surface à l'aide d'une truelle pour un rendu soigné, ou utiliser un outil spécifique pour créer une texture plus rustique. Un brossage léger peut être utilisé pour donner un aspect vieilli. La régularité du joint est un signe de qualité et contribue à l'harmonie visuelle de l'ensemble. Le choix de la finition dépend de l'esthétique recherchée.
Conseils pratiques pour un jointoiement réussi
Le contrôle de l'humidité ambiante et la protection du mur contre les intempéries (pluie, gel, soleil) pendant le séchage du mortier sont essentielles pour un jointoiement réussi. Il faut laisser un temps de séchage suffisant au mortier pour une prise optimale et une solidité maximale du joint. Ce temps de séchage varie de 2 à 7 jours, selon le type de mortier, la température et l'humidité de l'air. Pour les ouvrages importants, il est conseillé de faire appel à un professionnel expérimenté en maçonnerie traditionnelle.
L'entretien et la restauration des joints anciens
Même les joints traditionnels peuvent être sujets à l'usure du temps et nécessitent parfois un entretien ou des travaux de restauration.
Diagnostic des problèmes : identification des dégradations
Une observation minutieuse du mur permet d'identifier les problèmes : fissures, infiltrations d'eau, effritements, présence de végétation... Un examen approfondi est indispensable pour déterminer l'étendue des dégâts et choisir les méthodes de réparation appropriées. La prise de photos et la réalisation de croquis précis peuvent faciliter l'analyse.
Techniques de réparation et de restauration des joints dégradés
Les réparations doivent être effectuées en respectant scrupuleusement les méthodes traditionnelles. Il faut nettoyer les zones endommagées, retirer le mortier détérioré et re-jointer en utilisant le même type de mortier que celui d'origine. Pour les fissures importantes, une consolidation préalable peut être nécessaire. L'utilisation de produits modernes est à éviter pour préserver l'authenticité de l'ouvrage. Des techniques spécifiques peuvent être employées en fonction de la nature des dommages.
Produits d'entretien : protection des joints et des pierres
Des produits naturels, tels que des huiles végétales (lin, chanvre) ou des produits à base de chaux, permettent de protéger les joints et les pierres des intempéries et de prévenir leur dégradation. Un entretien régulier, consistant à nettoyer les joints et à appliquer un produit protecteur, contribue à la longévité du mur. Un nettoyage régulier à l’eau permet d'éliminer les salissures et la mousse qui peuvent se développer sur la pierre et détériorer le joint. L’application d'un hydrofuge naturel peut également être envisagée.
La réalisation d'un jointoiement traditionnel des murs en pierre est un art qui exige une connaissance approfondie des matériaux, des techniques et des outils spécifiques. Ce savoir-faire ancestral, garant de la pérennité et de la beauté des ouvrages en pierre, mérite d'être transmis et préservé. La durabilité exceptionnelle des joints traditionnels, conjuguée à leur esthétique intemporelle, contribue à la richesse patrimoniale de nombreux sites et constructions. La connaissance de ces techniques permet de réaliser des ouvrages de qualité, durables et esthétiques, tant en construction neuve qu'en restauration.